La Croix de Hongrie : Son origine.

L'élément le plus ancien des armoiries du Royaume de Hongrie est la Croix à double traverse, appellée Croix de Hongrie. D'après les historiens, cette Croix est le symbole du caractère apostolique du royaume de Hongrie.

Ces armoiries, dont la représentation se figea à la fin du XIIème siècle, sous le règne du roi Béla III Hongrie se blasonne ainsi : "De gueules, à la Croix Patriarcale pattée d'argent."

Cette Croix est aussi appelée Croix des Tatry, massif montagneux des Carpathes, omphalos sacré de l'Europe centrale, Axis Mundi des monts Tatry.

Ce chapître du Site Theudericus a pour objet l'origine de cette Croix de Hongrie, son histoire à travers les siècles, ainsi que les différentes institutions qui l'ont arboré ou s'en sont inspiré.





Croix de Hongrie.

Croix de Hongrie.





La Vraie Croix :

L'origine de cette Croix de Hongrie est d'après la majorité des historiens, la Sainte-Croix, aussi nommée la Vraie Croix., Elle est la Croix sur laquelle Notre Seigneur Jésus-Christ a été crucifié. Elle est devenue à partir du IVe siècle une des principales reliques de la Chrétienté, faisant l’objet d’une vénération particuliere.

Selon des récits en partie légendaires, qui apparaissent à partir au milieu du IVème siècle, c’est sainte Hélène, mère de l'Empereur Constantin Ier, qui aurait découvert la Croix de Jésus lors d’un pèlerinage en Palestine entrepris en 326.



Invention de la Vraie Croix (Piero della Fracesca)

Invention de la Vraie Croix (Piero della Francesca)



La Croix du Christ fut découvert sur le lieu du Calvaire, après que l’on fit détruire le temple de Vénus bâti par Hadrien, afin d’y ériger, sur ordre de l’empereur, la basilique du Saint-Sépulcre.

C’est au cours de ce chantier que trois croix antiques auraient été trouvées. Un miracle aurait permis de distinguer la Croix du Christ de celles des deux larrons.

Une autre tradition médiévale, remontant à l'Évangile apocryphe de Nicodème, est reprise au XIIIe siècle dans la Légende Dorée du dominicain Jacques de Voragine. Selon cette tradition, La Croix du Rédempteur fut taillée dans le bois de l'arbre ayant poussé sur la tombe d'Adam, traditionnellement localisée à Jérusalem, sur l'emplacement même de la crucifixion.

Cet arbre n'est autre que celui qui a poussé à partir d'une graine de l'Arbre de la Vie, semée dans la bouche d'Adam après sa mort, par son fils Seth. C'est l'archange Michel qui l'a apportée à Seth depuis le paradis terrestre afin de permettre à terme le rachat du péché originel. En effet, le Christ est également désigné comme le "Nouvel Adam" par saint Paul, qui rachète le péché introduit dans le monde par le premier homme.

En souvenir de cette découverte, et en vénération de la Croix du Christ, les patriarches de Jérusalem portaient comme emblème une croix à double traverse, d’où son nom de "Croix Patriarcale". Plus tard, la croix papale, se composera plus tard de trois barres horizontales.

Cette croix à double traverse est constituée d’une grande barre horizontale, ayant porté le supplicié, appelée le patibulum surmontée d’une autre, plus petite, figurant l’inscription de la condamnation, appelée le titulus.

Cette représentation de la Croix à double traverse était considérée comme une relique sainte comme apportant la victoire dans les batailles menées contre les païens. Elle fut très souvent réprésentée dans l'Empire Byzantin comme le symbole de l'Eglise et de l'Empire et en devint le symbole au même titre que le Labarum



Croix de Basile II et de Constantin VII (960-1025)

Croix de Basile II et de Constantin VII (960-1025)





La Croix à double traverse était représentée sur les sceaux, les monnaies, les écus, les statues et les couronnes dédiées à l'Empereur.



Couronne de Constantin IX Monomachos 1000 - 1055 (Détail)

Couronne de Constantin IX Monomachos 1000 - 1055 (Détail)

par extension, le nom de Vraie Croix a également été donné à un ensemble de reliques issues de la Croix découverte miraculeusement par sainte Hélène.

Découpé en plusieurs fragments et dispersé entre plusieurs sanctuaires chrétiens, en particulier à Jérusalem et à Constantinople, le bois de la Vraie Croix devient au Moyen Âge une relique très répandue. À partir du XIIIe siècle, nombreux sont les sanctuaires qui possèdent ou prétendent posséder des fragments de cette relique insigne.

Des reliquaires, portant le nom de staurothèques, ont spécialement été fabriqués pour en abriter les fragments.

Ces reliques adoptaient la forme particulière de la croix patriarcale, pour rappeler la Sainte Croix.



Reliquaire de la Croix de Jaucourt.

Exemple de staurothèques : Le Reliquaire de la Croix de Jaucourt.





Liste non exhaustives des sanctaires Français possédant des fragments de la Vraie Croix :



Dans le calendrier liturgique Catholique, deux fêtes marquent, l'importance de cette relique : l'Invention (du latin Inventio : découverte) de la Croix, fêtée le 3 Mai, et l'Exaltation de la Croix, célébrée le 14 Septembre.









Saints Cyrille et Méthode : La Grande Moravie.

Par-delà Jérusalem,; Constantinople et l'Empire Byzantin, la croix patriarcale, origine de la Croix de Hongrie, est mentionnée dès le IXème siècle en Europe centrale.

Des héraldistes hongrois et tchèques ont suggéré que la Croix de Hongrie provient d'un des symboles de la Grande Moravie, Royaume qui rayonna sur l'Europe centrale entre 830 et 955 après Jésus-Christ.

Les historiens font remonter la présence de la Croix de Hongrie au coeur de l'Europe à la mission de deux frères Byzantins, les missionnaires Constantin (Cyrille) et Methodius qui vers 863, sur invitation du prince Rastislav arrivèrent en Grande Moravie. La stratégie de Rastislav était de diffuser la religion de Constantinople pour contrer l'influence Catholique Franque, en gagnant la reconnaissance impériale Byzantine.

Ces deux Saints évangélisateurs auraientt introduit le symbole Byzantin de la Croix à double traverse, ou Croix Byzantine à la cour des Rois de Moravie : 846-870 : Rastislav ; 870-871 : Slavomír ; 871-894 : Svatopluk Ier ; 894-906 : Mojmír II.



La Grande Moravie sous Svatopluk Ier.

Le royaume de Grande Moravie sous Svatopluk Ier.

Vers 860, l'entourage de Rastislav se décide à demander l'appui du pape pour renforcer à la fois son État et la Chrétienté. En 862, il effectue le même type de requête à Byzance : Une ambassade est envoyée auprès des deux chefs, spirituel et temporel, de la Chrétienté orientale: Le patriarche Photius et l'empereur Michel III.

Michel III délègue alors en Moravie une mission dirigée par les deux frères pour y créer une Église de rite oriental et établir avec la Grande Moravie des relations durables.

Constantin et Méthode qui parlent le dialecte slave de Macédoine ont des facilités pour évangéliser ces peuples slaves à qui ils enseignent une liturgie en langue slave. Mais à partir de 867, la situation est changée : A Constantinople, l'emperur Michel III est assassiné et le patriarche Photius démis de ses fonctions. Constantin et Méthode se rendent alors auprès du pape, apportant à Rome les reliques supposées de Clément Ier qui sont accueillies avec grande vénération par le pape Adrien II.

Méthode lui-même, et plusieurs de leurs disciples comme Clément d'Ohrid, sont alors ordonnés prêtres, et le pape accepte l'usage du vieux slave comme langue liturgique. Adrien II consacre aussi Constantin évêque. Mais peu de temps après, en 869, ce dernier meurt à Rome, après être devenu moine sous le nom de Cyrille. Adrien II nomme alors Méthode archevêque de Sirmium, en Pannonie, évêque missionnaire pour les Slaves.



Saints Cyrille et Méthode avec la Croix Patriarcale.

Saints Cyrille et Méthode avec la Croix Patriarcale.



Vers 907, les Magyars détruisent la Grande Moravie. En 925, la partie Slovaque est envahie le Magyar Lehel (Lél) et passe sous le joug de la dynastie hongroise des Arpad en 955.

La Croix patriarcale de Jérusalem, devenue via l'Empire Byzantin, la Croix de la Magna Morava, se fixera définitivement en Croix de Hongrie.









Saint Etienne Ier de Hongrie (977-1038):

Une des premières mentions de la Croix de Hongrie dans l'histoire du Royaume Magyar, nous précise que cette Croix fut reconfirmée par le Saint Siège, au premier roi de Hongrie, Istvan (Etienne) Ier (997-1038) de la dynastie des Arpads. La papauté conserva le symbole Moravien de la Croix à double traverse en référence à l'Evangélisation originelle de ces régions, en particulier la Principauté de Nitra, et à la conversion d'Etienne Ier qui sera honoré du titre de "Roi Apostolique".

Premier roi de Hongrie de la dynastie Árpád, saint Étienne Ier de Hongrie (Szent István en Hongrois) est le fondateur du royaume de Hongrie.

Vajk ou « Vaïk » de son vrai nom, fils de Géza, Grand-prince des Magyars, se convertit au Catholicisme romain avec son père vers l’âge de dix ans (985) et prend alors pour nom de baptême le nom d’Étienne (István en hongrois). Il est éduqué par Adalbert de Prague et ses disciples qui organisent l’Église Hongroise. Il épouse la fille du duc Henri II de Bavière, Gisèle, également considérée comme sainte, fin 995 ou début 996, puis devient Grand-prince des Magyars à la mort de son père en 997.

Étienne est sacré roi de Hongrie le jour de Noël de l'an 1000 avec une couronne envoyée par le pape Sylvestre II (ce qui le fait qualifier de Roi Apostolique) et avec le consentement de l’empereur Germanique Otton III. La couronne est apportée par le légat Astericus, ou Anastase, futur archevêque d’Esztergom.

Avec la couronne apostolique, Le pape Sylvestre II lui fit en outre présent d'une Croix Patriarcale avec le droit de la faire porter devant lui : "A ces causes et afin d'honorer à présent et pour toujours votre Excellence et vos Successeurs qui seront élus par les Grands du Royaume et approuvés par le Saint-Siège, Nous vous accordons à vous et à eux, par la même autorité Apostolique, le pouvoir de faire porter devant vous, la Croix, signe de l'Apostolat, et de disposer et régler les affaires des Eglises de votre Royaume présentes et à venir, comme tenat notre place, et celles de nos Successeurs".

Le Roi institua alors des nobles officiers qu'il investit de la charge de porter et protéger la Croix Apostolique, et, à cet effet, leur donna le nom de Chevaliers Porte-Croix.

Saint Etienne de Hongrie.

Saint Etienne arborant la Croix Patriarcale de Hongrie.



Ces chevaliers formèrent un ordre qui fut plus tard , associé à l'Ordre du Dragon, et enfin rénové et renouvelé sous le nom d'ordre de Saint-Etienne de Hongrie.











Béla III Roi de Hongrie (1172 - 1196) :

au-delà de l'appartion officielle de de Croix Patriarcale au sein de la dynatie Arpadienne, de nombreux historiens font remarquer que la Croix de Hongrie d'origine byzantine fut adoptée sous le règne du roi Béla III, qui avait été élevé élevé à la cour de Constantinople. Béla III né en 1148, était le fils de Géza II et d’une princesse russe, Euphrosine de Kiev, belle soeur de Éric II de Danemark, et de Knud Lavard, Roi des Obodrites.

Le futur Roi de Hongrie a été élevé à la cour de l'empereur Manuel Ier Comnène où il se fiance en 1163 avec la fille de l’Empereur byzantin, Marie. Il est un temps héritier du trône Byzantin et reçoit la qualité de kaisar. Les fiançailles sont rompues en 1169. De retour en Hongrie, il mène une politique favorable au Pape tout en maintenant l’équilibre avec le Saint-Empire Romain Germanique.

Certains historiens font de cette éducation Byzantine, l'événement fondateur de l'adoption de la Croix à double traverse par la dynastie Hongroise. Vers 1190, cette Croix apparaît sur les armoiries et les monnaies de l'époque.

Sceau de Bela III de Hongrie ca 1189.

Sceau de Bela III de Hongrie ca 1189.



Béla III imite les monarchies occidentales pour améliorer l’administration de la Hongrie, crée une chancellerie et fait, mis à part l'Empire Byzantin, de la Hongrie le Royaumele plus puissant d'Europe Centrale et de l'Est

Pour asseoir son autorité, le Roi Apostolique, combat les Byzantins dont il élimine définitivement l’influence étrangère sur la Hongrie.

En 1172 il épouse Agnès d'Antioche (1154-1184), fille de Renaud de Châtillon et de Constance d'Antioche, avec qui il a :

En 1186, veuf, il épouse Marguerite de France, soeur de Philippe Auguste.









André II Roi de Hongrie (1205-1235) :

Malgré la présence de la Croix de Hongrie dans les armoiries du Royaume, bien avant 1205, certains érudits soutiennent que cette Croix est essentiellement liée au régne d'André II, fils de Béla III.

Selon ces spécialistes, il apparaîtrait la croix double serait une relique de la vraie Croix rapportée de Jérusalem par le roi de Hongrie André II (1176-1235), père de Sainte-Élizabeth.

En Février 1215, André II épouse Yolande la nièce de Henry Ier Empereur de Constantinople. En 1216, André II décide d'accomplir le voeu de son père Béla II de délivrer les Lieux Saints et part en Croisade le 23 Août 1217. Ses armées arrivent à Chypre le 9 Octobre et rejoignent Saint-Jean-d-Acre.

André II remporte le 10 Novembre 1217 sur le Sultan d'Egypte Al-Adil Ier une très grande victoire à Bethsaïde sur le Jourdain. Après ce très haut fait, le roi de Hongrie se met à la recherche de saintes reliques.

Les historiens pensent qu'André II ramena de la Cinquième Croisade des fragments de la Vraie Croix, Croix ou Reliques qui étaient certainement présents en tête des armées Chrétiennes lors de la victoire de Bethsaïde.

Cette victoire inespéréee sur un ennemi supérier en nombre, expliquerait la vénération du fils de Béla II pour cette Croix et la confirmation de la présence de celle-ci dans les armoiries de son Royaume.

André II vainqueur de la bataille du Jourdain (10 Nov. 1217).

André II vainqueur de la bataille de Bethsaïde (10 Nov. 1217).







Ce pouvoir miraculeux, voire magique de la Croix de donner la victoire aux souverains ou chefd de guerre qui la brandissient à la tête de leurs armées en confirmé par le fait que l’empereur byzantin Emmanuel (Manuel 1e Comnène, au XIIe siècle), la portait en allant au combat. La protection de la Croix a sans doute été réelle puisqu’elle permis au Basileus de battre les Hongrois.

Curieusement, cette croix qui avait été la marque de la défaite des Hongrois face aux Byzantins fut donnée aux premiers par le patriarche de Constantinople, Gervais, à l’évêque Thomas de Hierapetra. Le roi de Hongrie Béla III (1148-1196) incorpora la croix patriarcale dans ses armoiries. Elle y demeura chez ses descendants.

Car c'est à partir du règne d'André II, que cette pièce héraldique figure dans les sceaux officiels de Hongrie (1205-1235.) Une première preuve en est donnée par le sceau à double croix d'Agnès d'Autriche (épouse d'André III), reine de Hongrie, qui, devenue veuve en 1301, fonda le monastère de Koenigsfelden, en Suisse.

Sceau d'André II de Hongrie.

Sceau d'André II de Hongrie (1205-1235)







Mais l'histoire de la Croix de Hongrie, ne se militera pas au Royaume Magyar.

L’évêque Thomas de Hierapetra, fit don de quelques fragments tirés de la Vraie Croix, au croisé Jean II d’Alluye qui avait conservé la Crête aux Chrétiens. Ce chevalier apporta cette croix en Anjou en 1244 et la confia aux moines Bernardins de la Boissière, à Denezé sous le Lude.

Pendant la guerre de Cent ans, les Anglais et les routiers pillent les campagnes Angevines. Pour soustraire la relique à leurs convoitises les religieux la confient à la protection du duc d'Anjou.

Le 12 juillet 1359, le duc Louis Ier, second fils du roi Jean Il le Bon, l'expose dans la chapelle du château d'Angers.

Quelques années passent. Le duc décide de décorer la Croix d'une parure de joyaux. Les orfèvres du roi Charles V placent sur chaque face de la Croix un Christ en or massif, surmonté d'un médaillon frappé d'un agneau sur une face, d'une colombe sur l'autre. Le sommet du montant et les extrémités des traverses sont gainées d'or pur, la base sertie dans un socle de vermeil. Dix-sept rubis et dix-neuf saphirs en cabochon ornent les branches, la croisée supérieure et le socle.

Le duc Louis Ier érigea en son honneur une confrérie et un ordre, l'Ordre de la Croix.

Certains auteurs ont considéré cette Croix comme l'origine de la Croix d'Anjou.



La Croix de Baugé dite d'Anjou.

La Croix de Baugé dite d'Anjou.







Mais d'autres historiens associent directement le Croix de Hongrie à la Croix d'Anjou par des chemins dynastiques et héraldiques.

En effet la première dynastie d'Arpad régnant sur le Royaume de Hongrie se termina par la mort de Ladislas IV qui disparut sans postérité.

Charles d'Anjou, dit Martel (1271-295), fils de Charles II d'Anjou, roi de Sicile et de Jérusalem, comte de Provence, d'Anjou et du Maine, et de Marie de Hongrie, sœur et héritière de Ladislas IV de Hongrie, roi de Hongrie fut couronné en 1290.

Mais auparavant les nobles hongrois avaient élu comme successeur de Ladislas un de ses cousins, André III Árpád. Charles Martel se contente du titre royal et ne cherche pas à se rendre en Hongrie pour en faire la conquête. Il meurt prématurément âgé de 24 ans en 1295.

Cependant, son fils Charles Ier Robert, ou Charobert d'Anjou-Sicile (Károly Róbert en hongrois) né en 1288, mort à Visegrád le 16 juillet 1342, devint roi de Hongrie de 1308 à 1342 inaugurant la ligneé d'Anjou-Hongrie qui se termina par le mariage de Marie Ière, reine de Hongrie qui épousa en 1385 Sigismond de Luxembourg.

La famille d’Anjou de Naples, en accédant au trône de Hongrie au XIVe siècle adopta la Croix de Hongrie comme emblème. Louis d’Anjou adopta la croix double en la faisant figurer sur son étendard. Elle devint ainsi la Croix d’Anjou. Le petit-fils de Louis, René 1er duc d'Anjou, devenu duc de Lorraine par mariage, fit entrer la croix dans son duché de Lorraine.

Deux générations plus tard, René II la représenta sur ses drapeaux comme insigne militaire, à opposer à la croix de Saint-André des troupes bourguignonnes de Charles le Téméraire. Sur son sceau, René II fit inscrire la formule : « René par la grâce de Dieu, roi de Hongrie, de Jérusalem et de Sicile ». Après la victoire de René II à la bataille de Nancy (1477), la croix, dite désormais de Lorraine devint le symbole de l’indépendance et de la résistance et fut portée au cou des aigles portant les armoiries des ducs de Lorraine.

Cependant si la Croix de Lorraine, descend de la Croix de Hongrie, via la maison d'Anjou qui régna sur le Royaume Magyar, celle-ci en symbolisme et en héraldique est fondamentalement différente de son origine. En effet, la Croix de Lorraine n'arbore pas la forme pattée caractéristique des armoiries Hongroise et de plus, les Croix de Lorraine originelles présentaient deux traverses horizontales de même longueur et centrées sur le patibulum



Croix de Lorraine en 1477 (Branches égales)

Croix de Lorraine en 1477 (Branches égales)





Après le règne d'André II, La Croix de Hongrie fut définitivement associée avec les fasces Arpadiennes de gueules et d'argent, l'élément essentielles des armoiries du Royaume Hongrois.

Sceau de Bela IV de Hongrie.

Sceau de bela IV de Hongrie (1235 - 1270).











La Croix de Hongrie, emblème de certains Ordres Militaires Chrétiens.

La Crois pattée à double traverse fut également le symbole de différentes fonctions ou organisations Chrétiennes : le Patriarcat de Jérusalem, l'Ordre des chanoines Hospitaliers du Saint Sepulcre, l'Ordre des Templiers et l'Ordre des Hospitaliers du Saint Esprit.

Ce paragraphe aborde la signification hermétique de la Croix de Hongrie au sein de ces différentes entités.



Patriarcat de Jérusalem.

Le titre de Patriarche de Jérusalem est traditionnellement porté par l'évêque de Jérusalem. Ce diocèse est l'un des plus anciens et des plus prestigieux de la Chrétienté, lié au fait de sa situation historique particulière en Terre Sainte et bien sur au fait que c'est à Jérusamem que la Passionr, la Résurection et l'Ascencion de Notre Seigneur Jésus-Christ eurent lieu.

après la prise de Jérusalem par les croisés en Juillet.1099, une structure religieuse, le patriarcat latin, est créée à Jérusalem en complément d’une structure temporelle, qui sera le royaume de Jérusalem.

Les patriarches de Jérusalem ont eu depuis leur origine, la croix à double traverse pour emblème, et ce, selon certains auteurs bien avant la découverte de la Sainte Croix du Christ et le façonnage des premiers reliquaires arborant la forme crucifère.

Les patriarches de la Cité Sainte se faisaient précéder d'une double croix fichée au sommet d'une hampe lors de leurs déplacements publics pendant que ce même emblème ornait souvent leurs pierres tombales. A l'origine, la Croix à double traverse était l"embème exclusif de la Croix de Jérusalem (Croix à ne pas confondre avec la Croix du Royaume de Jérusalem qui se blasonne : "D'argent à la Croix potencée dor, cantonée de quatre croisettes de même".

Avec la naissance du royaume Franc, l'exclusivité de la Croix à double traverse échappe aux Patriarches, et déjà les chanoines hospitaliers du Saint-Sépulcre arborent alors également une double Croix.



Ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem.

"Que les amateurs d'insignes prêtent ici attention : celui des chanoines était la croix patriarcale rouge, donc à douzes pointes (semblable à celle que nous appelons "Croix de Lorraine", à une différence près toutefois : celle des chanoines était pattée)." écrit Yvon Roy dans "Le Testament des Templiers à Chinon" (1974).

Le témoignage d'Ernoul, repris par Curzon, puis par Marion Melville (la Vie des Templiers -1951) est plus diffus : "L'enseigne de l'habit dou Sepulchre est une croix vermeille à deux bras (telle la porte li Ospitaus) et cil del Temple la portent toute single vermielle." Il se dégage néanmoins de tout ceci une certitude : l'emblème des chanoines hospitaliers du Saint-Sépulcre était une croix à double traverse à l'image de celle des patriarches.

L’ordre du Saint-Sépulcre de Jérusalem est un ordre religieux créé par Godefroy de Bouillon après la prise de Jérusalem en 1099. Constitué de chanoines, cet ordre a pour fonction la protection du Saint-Sépulcre mais aussi la vie liturgique du sanctuaire. Avec l'extension des conquêtes en Terre sainte, l'ordre se développe en étendant sa mission de protection des lieux saints sur l'ensemble du Royaume franc de Jérusalem.

Avec la perte des États latins d'Orient, l'ordre se replie sur l'Europe. C'est en 1489 que Innocent VIII décide la suppression de l'ordre canonial et son incorporation à l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem.

Les chanoines portaient une croix cousue sur leur habit, c'est la croix patriarcale latine à double traverse écarlate.



Croix patriarcale sur l'habit d'un Chanoine du Saint-Sépulcre.

Croix patriarcale sur l'habit d'un Chanoine du Saint-Sépulcre.





Certains historiens-antiquaires du XIXe siècle à la suite des historiographes de l'ordre du Saint-Sépulcre voulaient bien attribuer à l'ordre une origine quasi-mythique alors que la relecture des sources en fait un ordre créé en Terre sainte par Godefroy de Bouillon au mieux en 1099.

De retour de Terre sainte après la perte des États latins d'Orient, les premiers historiens de l'ordre du Saint Sépulcre lui trouvent trois glorieux personnages comme fondateurs : l'apôtre Jacques, l'impératrice Hélène et l'empereur Charlemagne ; tout trois liés d'une façon ou d'une autre au Saint-Sépulcre.

Jacques le Majeur, que les Évangiles appellent le « frère du Seigneur », devient, après la mort de Jésus, le responsable de la communauté chrétienne de Jérusalem, dont il est considéré comme le premier évêque. Les chanoinesses du Saint-Sépulcre le tiennent pour leur fondateur et lui attribuent la désignation d'une garde du tombeau de Jésus.

L'impératrice Hélène, mère de Constantin, séjourne à Jérusalem en 326 avant de se retirer en Bithynie. La tradition Catholique en fait la volonté constructrice de la église du Saint-Sépulcre en faisant abattre un temple à Vénus que l'empereur Hadrien avait fait construire sur le site. C'est à cette occasion qu'Hélène fait une découverte importante pour la religion chrétienne avec l'invention de la Vraie Croix. Elle est donc tout naturellement désigner comme fondatrice de l'ordre par les chevaliers au XVIe siècle. Elle est d'ailleurs fréquemment représentée en costume de chanoinesse du Saint-Sépulcre.

Charlemagne envoie deux ambassades auprès du calife de Bagdad, en demandant un protectorat franc sur la Terre sainte. La geste du roi, une chanson de geste, raconte ses aventures légendaires en Méditerranée et son pèlerinage à Jérusalem. Il était tout aussi naturel d'en faire un fondateur de l'ordre.



Ordre du Temple.

La question de l'origine de la Croix portée par les chevaliers de l'Ordre du Temple a maintes fois suscité l'intérêt des chercheurs les plus sagaces. A ce problème vient se greffer l'interrogation, pour le moins tout aussi importante, relative à la forme exacte de celle-ci.

Le Dictionnaire de Furetière (publié en 1690), décrit la Croix à double travers et ajoute : "Ainsi la portent les religieux de l'Ordre du Saint-Esprit et autrefois les templiers."

A l'origine, qu'elle leur vienne du Patriarche de Jérusalem ou du prieur du Saint-Sépulcre, l'ensemble des premiers chevaliers du Temple arborèrent la croix à double traverse… et ainsi en fut-il jusqu'en 1128, et sans doute encore durant quelques années, peut-être jusqu'en 1146/1148. Mais à une date imprécise, et pour un motif inconnu, cet état de fait cesse brutalement, et la Croix patriarcale devint l'apanage des seuls Grands Maîtres et grands dignitaires : " ... le Grand Maître et les grands dignitaires se distinguaient des chevaliers et des Templiers en général, par une croix à deux croisillons, alézée de gueules à la place de la croix pattée bien connue." écrit J.-H. Probst Biraben.

Et John Charpentier de reprendre à la suite : "Mais la croix rouge (...) était commune à tous les membres de la milice, à l'exception, toutefois, des grands dignitaires qui arboraient la croix à deux croisillons inégaux, le plus court en haut." Notons toutefois qu'aucun de ces deux auteurs ne se prononce quant au port de la croix à double traverse par l'ensemble des premiers chevaliers.

Vénération de la Croix Patriarcale Pattée.

Vénération de la Croix Patriarcale Pattée.







En 1146 vraisemblablement, Eugène III accorde le port de cette croix rouge, citée par Charpentier, sur les instances de saint Bernard lui-même, et qui sera arborée par l’ensemble de la masse des chevaliers. Enfin, mystérieusement, la Croix à double traverse, à une époque indéterminée, disparait des attributs officiels de l'Ordre… sans la moindre explication.

Quel motif peut être avancé pour justifier cet abandon volontaire de la part des Templiers qui allèrent jusqu'à effacer soigneusement toute trace de celle-ci sur les sceaux, parchemins ou pièces de costume par exemple ?

Pour les Templiers, le symbole profond de la Croix Patriarcale de Jérusalem ne s'apparentait sans aucun doute nullement à celui que lui prêtait le christianisme officiel : l'Inquisition observa-t-elle de trop près cet emblème réservé aux seuls dignitaires de l'Ordre sans cesse surveillé ? Les Templiers s'aperçurent-ils que l'heure n'était pas venue de brandir un symbole aussi puissant à la face de tous ? Estimèrent-ils finalement que sa destinée était d'apparaître, puis de disparaître, à des moments donnés de l'Histoire ?

éCette croix à deux branches, que l'on connaît aussi sous le nom de croix patriarcale ou d'Anjou, a été adoptée de bonne heure par les Templiers qui la considéraient, à juste titre, comme un symbole très complet.", est-il écrit dans l'Hermétisme dans l'art du Blason de F. Cadet de Gassicourt et du baron du Roure de Paulin.

Il semble inutile de chercher davantage la raison de cette occultation soudaine de la Croix Patriarcale par les Templiers… Mais elle ne peut être que liée à l'essence même de ce symbole que nos deux auteurs qualifient de "très complet".

Par ignorance de la réelle signification de ce symbole, sans doute, comme nous le verrons, d'autres ordres chevaleresques continuèrent à faire étalage de la Croix Patriarcale.



Ordre Hospitaliers du Saint Esprit

La Croix pattée à la double traverse fut également le symbole d'un autre Ordre Chrétien : Celui des Hospitaliers du Saint Esprit.

L’ordre des Hospitaliers du Saint-Esprit (Ordo Sancti Spiritus) connu aussi sous le nom de Frères hospitaliers (ou ordre du Saint Esprit de Montpellier) a été fondé à Montpellier vers 1180 par Guy de Montpellier dans le but d'accueillir les enfants abandonnés, les pauvres et les malades. L'ordre a été reconnu officiellement par le pape Innocent III le 23 avril 1198.

L'ordre était, à l'origine, une confrérie destinée au service d'un hôpital, mais, en 1198, à la veille de la croisade contre les Albigeois, le pape Innocent III la transforma en un ordre hospitalier, religieux et militaire.

La marque de l'Ordre est une double croix blanche échancrée et patriarcale. Cette croix des Hospitaliers du Saint-Esprit aurait été "montrée en révélation par un ange" au pape Innocent III.

"Les ordres militaires ou hospitaliers avaient tous pris comme signe distinctif, à l'exemple des croisés, une croix de forme et de couleur variées, cousue sur les habits. Guy de Montpellier adopta pour son ordre une croix blanche à double croisillon, dont les extrémités étaient élargies en forme de croix pattée à branches évasées." Cette croix blanche à double traverse était portée par tous les religieux sur le côté gauche de leur manteau noir et de leur robe blème (bleu très pâle).

Au moment où il prononçait ses vœux, le nouveau profès recevait le manteau noir des mains du recteur, qui lui disait, en lui montrant la croix : "Que par ce signe s'éloigne de vous tout mal, et que le Christ vous conduise au royaume éternel.".

Croix de l'Ordre des Hospitaliers du Saint Esprit au XIIème siècle.

Croix de l'Ordre des Hospitaliers du Saint Esprit au XIIème siècle.







La règle de l'ordre précise aussi que les frères portent le signe de la croix sur leurs capes et leurs manteaux, afin que par ce signe Dieu nous garde dans nos actions, nous maintienne dans l'obéissance et défende nos âmes et nos corps contre la puissance du démon, dans cette vie et dans l'autre..

En 1596, Melchior de la Vallée interprète cette double croix à douze pointes [...] n'était point un simple motif de décoration ; c'était un emblème d'un symbolisme assez compliqué. Les trois bâtons réunis en une seule croix figuraient, pour les uns, le mystère de la Sainte Trinité, tandis que les douze pointes rappelaient le nombre des Apôtres. Certains y voyaient l'association de la croix du Sauveur et de celle, que tout chrétien doit porter dans son âme. Pour d'autres enfin, c'était une allusion au double fardeau que s'imposaient les membres de l'ordre, en travaillant à la fois à leur propre salut et à celui de leurs semblables.











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Croix de Hongrie.